Conserver et mettre en valeur les éléments naturels déjà présents

Il est important de conserver la végétation et les milieux humides et hydriques dans les zones industrielles, en raison des nombreux services écosystémiques qu’ils remplissent. Mais pour planifier de façon stratégique un développement ou redéveloppement industriel, il y a des questions à se poser en amont du projet, afin de conserver et valoriser les éléments naturels dont on dispose. 

  • Qu’est-il primordial de conserver ?
  • Comment déterminer ce qui a une valeur de conservation ?
  • Comment intégrer ces milieux à l’aménagement du lot ou de la zone industrielle ?

Qu’est-il primordial de préserver ?

Des études scientifiques ont analysé la valeur écologique de certains milieux naturels aux échelles régionale et locale. Bien entendu, lorsque des milieux sont identifiés comme ayant une forte valeur et qu’ils sont prioritaires pour la conservation, il est important de les conserver. 

Afin d’assurer la qualité des milieux dans le temps, il est généralement nécessaire de préserver une bande végétalisée de plusieurs mètres, aussi appelée zone tampon, autour de chaque milieu naturel d’intérêt. Cela permet de le protéger des perturbations telles que la poussière, le bruit, les déversements et l’empiétement. Entouré d’une zone tampon, le milieu naturel est plus résilient et peut continuer de fournir les services écologiques aux entreprises, aux employés et aux résidents. Pour les cours d’eau, on parle plutôt d’une bande riveraine et celle-ci est réglementée au niveau provincial. Cette bande joue un rôle important pour assurer la qualité de l’eau et pour réduire les risques d’inondation.

Les études de caractérisation des milieux naturels vont également identifier les milieux qu’il serait pertinent de restaurer, en raison de leur fort potentiel écologique. Si les travaux nécessaires sont effectués, ils peuvent rendre de nombreux services écologiques : ils méritent donc eux aussi d’être conservés. Toutefois, ce n’est pas parce qu’une étude n’identifie pas un milieu comme étant prioritaire, qu’il n’a pas de valeur écologique notable et qu’il ne mérite pas d’être conservé.

 

Carte-Atlas
Carte des territoires d’intérêt pour la conservation dans les Basses-terres du Saint-Laurent (source : Plan d’action Saint-Laurent, 2020) [6]
 

Ainsi, dans l’Atlas des territoires d’intérêt pour la conservation des Basses-terres du Saint-Laurent, le territoire couvert étant très vaste, les milieux jugés d’intérêt sont ceux qui se démarquent de façon importante, par exemple sur le plan de la superficie ou des espèces menacées ou vulnérables. Ces grands espaces à conserver sont plus nombreux dans les régions agroforestières qu’en régions urbanisées.

Le contexte de l’île de Montréal est particulier puisque l’occupation humaine y est ancienne et très forte, ce qui fait que le nombre et la taille des milieux naturels restants sont limités. De plus, ces milieux présentent souvent des perturbations qui en diminuent la valeur écologique, sans l’annuler cependant. 

Également, la simple présence d’un milieu végétalisé dans un environnement caractérisé par la rareté de tels milieux est en soi une valeur écologique, puisque le nombre de possibilités de conservation est nécessairement réduit. Il est primordial de conserver les milieux naturels subsistant en espace urbain, même s’ils sont de petite taille et dépourvus d’espèces à statut.

Il est donc important de prendre en considération les études existantes, mais aussi de prendre en compte le contexte dans lequel s’inscrit le milieu naturel.

Les milieux naturels de Montréal, et à plus forte raison ceux qu’on retrouve en zone industrielle, portent tous des signes de perturbations d’origine humaine qui peuvent en affecter la valeur écologique :

  • Présence d’espèces exotiques envahissantes,
  • Fragmentation des milieux naturels, 
  • Présence de contaminants dans les eaux, le sol et le sous-sol.

Même si un milieu naturel se situe en terrain contaminé ou qu’il ne comporte pas d’espèces rares, il n’est pas nécessairement dépourvu de valeur écologique ou de potentiel pour la mise en valeur ou la restauration. Chaque élément naturel, qu’il soit perturbé ou non, fournit des bénéfices à la population. En effet, dans les secteurs industriels, là où la qualité écologique est généralement très faible, c'est la rareté des espaces naturels, leur localisation et leur potentiel de connectivité qui sont les critères les plus importants.

Dans un contexte urbain, il est primordial d’évaluer la contribution de l’élément naturel au secteur et à la région, notamment en termes de services écosystémiques et de connectivité. La rareté, le nombre d’opportunités alternatives pour la conservation et la localisation des milieux sont les critères les plus importants en contexte industriel urbain pour en apprécier la valeur écologique.

 

 

Carte des priorités de conservation pour le scénario biodiversité́ et fraîcheur - Secteur Assomption-Sud (Rayfield, B., 2015) [1]
[Sur la carte ci-dessus, les superficies en vert sont celles qui ont un apport sur le plan de la biodiversité et des îlots de fraîcheur. Plus le vert est vif, plus la priorité de conservation est haute. À titre d’exemple, on peut remarquer que dans le secteur Assomption-Sud - Longue-Pointe, plusieurs espaces verts se démarquent bien qu’ils soient sur des terrains perturbés ou qu’ils ne constituent pas des parcs officiels. Dans le contexte local, ces boisés ont leur importance et méritent d’être conservés.]

 

De plus, la biodiversité des milieux naturels fortement urbanisés, notamment celle des espaces verts informels, est influencée par des conditions particulières : la température y est plus élevée et les sols sont souvent imperméables. 

Ces conditions amènent le développement d’une biodiversité différente de celle qui peut être observée dans des secteurs moins perturbés. [2] C’est pourquoi il est important de prendre en compte ce contexte particulier lorsque vient le temps d’évaluer ce qui mérite d’être conservé lors de la planification d’un développement industriel. Ces nouveaux écosystèmes, proprement urbains, ont une valeur spécifique qui commence à être reconnue par la recherche et valorisée par les municipalités.

Espace vert informel

En lien avec les milieux naturels urbains et perturbés, un nouveau concept s’est développé au début des années 2000, celui des espaces verts informels. Il s’agit essentiellement d’espaces dont la variété de plantes et les conditions dans lesquelles elles se trouvent ne sont pas répliquées dans la nature. Ces espaces peuvent être très variés, par exemple les bords de rue et d’autoroute, les terrains vacants, les abords de voies ferrées ou les friches industrielles. 

Ils comprennent généralement des espèces végétales qui sont naturellement présentes, dites « indigènes », et des espèces provenant d’ailleurs, dites « exotiques ». Cette combinaison vient contribuer à la biodiversité urbaine et constitue des espaces résilients face aux conditions particulières des villes, favorisant leur pérennité. [3]

En prenant en compte ces éléments, il y a lieu de se demander si ces milieux ne méritent pas d’être conservés et s’il est vraiment bon de tenter de les amener vers un état plus naturel, particulièrement en milieu industriel où ce type de milieux est plus présent.
 

 

Comment déterminer ce qui a une valeur de conservation ?

Même si parmi les études existantes le secteur qui vous concerne ne présente pas d’éléments naturels identifiés pour la conservation, il est pertinent de faire une évaluation à l’échelle du lot ou encore de la zone industrielle. Pour ce faire, il est recommandé de faire appel à des spécialistes, tels que des biologistes. (Voir la fiche Conserver dans la section Outils et glossaire - Boîte à outils pour plus d’informations.)

De nombreux éléments sont pris en compte dans une analyse de la valeur écologique des milieux naturels. Parmi les critères les plus souvent utilisés, on note :

  • La représentativité du milieu sur le territoire (commun, rare, etc.) ;
  • La superficie du milieu ;
  • Le type d’occupation des terrains adjacents (urbain, agricole, etc.) ;
  • La connectivité directe avec d’autres milieux naturels ; 
  • La connectivité hydrique ;
  • La variété d’espèces (inventaires) ; 
  • La présence d’habitats ou d’espèces rares ou exceptionnelles ;
  • La présence d’espèces menacées ou vulnérables

ATTENTION ! Il arrive fréquemment que l’évaluation de la valeur écologique d’un milieu naturel en contexte urbain soit faite selon un modèle d’analyse basé sur la conservation dans un milieu peu perturbé par l’humain, ce qui ne correspond pas à la réalité du terrain. 

Cela fait en sorte que les milieux naturels que l’on retrouve en zone industrielle sont souvent sous-évalués comme ayant une faible valeur en raison d’un nombre important de perturbations (fragmentation, faible superficie, pollution, etc.). Ils sont donc sous-évalués par rapport à leur importance réelle relative.

C’est pour cette raison que d’autres critères doivent être pris en compte lors de l’évaluation des milieux naturels en zone industrielle. 

  • Du point de vue écologique, il existe d’autres critères qui sont peu pris en compte actuellement, mais qui sont pertinents à inclure dans les analyses de la valeur des milieux, tels que :
    • la contribution à la connectivité écologique à grande échelle : par exemple, l’arrondissement Saint-Laurent a élaboré un plan directeur pour l’implantation d’un corridor de biodiversité à l’échelle de l’arrondissement ; [4]

    • les services écosystémiques fournis par un milieu : par exemple, l’atlas des territoires d’intérêt pour la conservation dans les Basses-terres du Saint-Laurent prend en compte cinq fonctions et services écologiques pour évaluer la valeur des milieux humides (séquestration du carbone, filtration de l’eau, recharge de la nappe phréatique, contrôle de l’érosion et gestion des eaux pluviales). [5]

  • Il existe des critères sociaux à considérer en milieu urbain :

    • La mitigation des nuisances (bruits, poussières, vibrations, lumières, etc.) : utilisation des plantes pour résoudre des problèmes environnementaux (phytotechnologies) ;

    • La qualité de vie des travailleurs et résidents du secteur : utilisation du milieu comme aire de repos, lieu de rencontre, etc. ;

    • L’accessibilité de la zone par mobilité active : création de corridors de circulation par vélo ou à pied ;

    • La contribution apportée à la résilience du territoire face aux changements climatiques : création d’îlots de fraîcheur pour les employés et les résidents ;

    • L’intérêt social pour un milieu : mobilisation des acteurs pour la protection du milieu

Selon les enjeux rencontrés sur le lot ou sur la zone industrielle, il est possible de choisir les critères qui vont permettre non seulement de répondre aux besoins identifiés, mais aussi d’optimiser les opérations des industriels, par exemple l'atténuation des nuisances ou la résilience face aux changements climatiques. Certains services écosystémiques seront alors favorisés. 

Ainsi, il devient plus facile d’intégrer les milieux naturels à l’aménagement du lot ou de la zone industrielle.

 

 

Comment intégrer les milieux naturels à l’aménagement du lot ou de la zone ?

Une fois faite l’évaluation des milieux naturels ou pertubés à conserver et une fois établie la priorisation de conservation, il faut maintenant penser à la façon d’intégrer ces milieux au reste du lot ou de la zone industrielle. Pour y parvenir, la meilleure méthode consiste à intégrer un ou plusieurs spécialistes de l’environnement (architecte paysagiste, biologiste, etc.) dès le début de la conceptualisation du projet. Ils seront à même de vous conseiller à toutes les étapes du projet et vous permettront de faire des choix éclairés. 

Il faut donc modifier la façon de planifier l’aménagement d’un lot industriel, en aménageant en fonction des éléments naturels à préserver et non pas l’inverse. Cela peut amener à construire des bâtiments avec des formes diverses et à trouver des stratégies différentes pour réduire les nuisances. 

Un moyen consiste à réduire l’espace accordé aux stationnements, par la promotion et l’incitation à la mobilité durable (transport en commun, transport actif) ou encore la mutualisation du stationnement avec une autre entreprise. L’Attestation stationnement écoresponsable propose d’ailleurs plusieurs actions à poser pour améliorer ces espaces. Il existe également plusieurs certifications où la préservation des éléments naturels présents accorde des points. 

Consultez la section Outils et glossaire pour plus de détails sur :

  • Les pistes et ressources pertinentes (Boîte à outils - Conserver)
  • Les certifications (Boîte à outils - Certifications)

Voici deux exemples qui illustrent des démarches de planification qui prennent en compte la présence de milieux naturels en zone industrielle et qui planifient l’aménagement de la zone en conséquence. 

Études de cas

Toutes les
études

Écoparc industriel Daniel-Gaudreau

Dans les années 2000, des démarches de planification sont entamées pour l’agrandissement du parc industriel Fidèle-Édouard-Alain à Victoriaville. Le projet a toutefois été bouleversé lorsqu’un milieu humide d’importance y a été découvert. Victoriaville a donc décidé de profiter de cette situation pour créer un écoparc industriel qui permet de respecter davantage l’environnement et qui s'intègre dans une démarche de développement durable. 

Corridor de biodiversité Saint-Laurent

Le territoire de l’arrondissement de Saint-Laurent est un territoire fortement urbanisé où 92 % de sa superficie est minéralisée. D’ailleurs ce secteur de l’île est un îlot de chaleur important de l’agglomération. Pour pallier cette situation et pour mettre en valeur les milieux naturels d’importance à proximité, l’arrondissement de Saint-Laurent a débuté son projet de corridor de biodiversité en 2015. 

Marché public de Longueuil

Le projet du Marché public de Longueuil est le fruit d’une collaboration entre la Ville de Longueuil et l’Association des producteurs maraîchers du Québec. Inauguré en 2014 et situé sur un terrain de 2,4 ha, le marché public est souvent cité comme exemple pour sa gestion durable des eaux pluviales. [1]

Références

[1] Rayfield, B. et al. (2015). Les infrastructures vertes : un outil d’adaptation aux changements climatiques pour le Grand Montréal.
[2] Boucher, I. et Fontaine, N. (2010). La biodiversité et l’urbanisation : Guide de bonnes pratiques sur la planification territoriale et le développement durable.
[3] D.D. Rupprecht, C., A. Byrne, J., G. Garden, J. et Hero, J.-M. (2015). Informal urban green space: A trilingual systematic review of its role for biodiversity and trends in the literature.
[4] Arrondissement Saint-Laurent, Ville de Montréal. (2019). Corridor de biodiversité Saint-Laurent.
[5] Jobin, B., Gratton, L. , Côté, M.-J.,  Pfister, O., Lachance, D., Mingelbier, M., Blais, D., Blais, A. et Leclair, D. (2019). Atlas des territoires d’intérêt pour la conservation dans les Basses-terres du Saint-Laurent – Rapport méthodologique version 2, incluant la région de l’Outaouais.
[6] Plan d’action Saint-Laurent. (2020). Atlas des territoires d’intérêt pour la conservation dans les Basses-terres du Saint-Laurent (Version 1.0) [Data set]. Observatoire Global du Saint-Laurent. https://doi.org/10.26071/OGSL-B1E5F6FF-74F0
 

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